MUDDY WATERS

The Living Legend

R.I.P.  4 avril 1915 / 30 avril 1983



the Funky Soul story - logo Muddy Waters

 

Sans Muddy Waters le blues de Chicago n'aurait jamais atteint cette ampleur. Le charme de sa voix, sa guitare, l'harmonica qui l'accompagne en font à la fois le premier et le dernier des grands bluesmen de Chicago. Ses morceaux sont devenus des classiques de son vivant et ils ont fait découvrir le blues à toute une génération de musiciens, particulièrement en Angleterre.

 

Véritable leader du Chicago blues, Muddy Waters, qui a permis à cette musique d'exploser, est, avec B. B. King, l'un des rares bluesmen à avoir réussi sur le plan financier. A son apogée, il disait pourtant : "Cela n'empêche pas de ressentir toujours le blues, même si aujourd'hui je gagne bien ma vie. Et, de toute façon, j'ai une très bonne mémoire de la misère que j'ai connue."

 

the Funky Soul story - Muddy Waters 01

 

McKinley Morganfield était né le 4 avril 1915 à Rolling Fork dans le Mississippi. Gamin, il patauge dans la boue si bien qu'on le surnomme Muddy Waters (eaux boueuses). Sa mère meurt alors qu'il n'a que trois ans : "Mon père était fermier, racontera-t-il. Il élèvait des poules et faisait pousser des melons et il a continué à faire des enfants."

 

Muddy est alors élevé par ses grands-parents à Clarksdale, en plein delta du Mississippi, le pays du blues et à dix-sept ans il apprend la guitare en écoutant Robert Johnson. Il va bientôt animer des surprise-parties et des pique-niques dans la région. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Alan Lomax va l'enregistrer dans une plantation pour la Bibliothèque du Congrès. En 1943 il découvre Son House et, la même année, décide de quitter le Mississippi pour Chicago, faisant partie de ces millions de Noirs américains qui, à l'époque, quittent le Sud pour tenter leur chance au Nord. Signalons au passage qu'en 1900, les trois quarts de la population noire vivaient au Sud des Etats-Unis. En 1960, il n'en restera plus qu'un tiers.

 

Cette période de migration pleine d'espoir vers les villes du Nord coïncide avec l'âge d'or du blues. "Quand j'ai vu Son House, dira Muddy Waters, j'ai été subjugué. Quatre semaines de suite, je suis retourné le voir. On ne pouvait pas me déloger de là. C'est lui qui m'a donné l'envie de jouer correctement. J'ai décidé de quitter le Delta pour de bon, contre l'avis de mon entourage qui me déconseillait de partir pour la ville. Seulement, moi, je savais que si d'autres avaient réussi à la ville, j'étais capable d'en faire autant."

 

Deux ans après sa première guitare électrique, offerte par son oncle, Muddy se retrouve donc à Chicago où il travaille comme ouvrier puis camionneur. Big Bill Broonzy, à qui il rendra hommage en 1960 en enregistrant un album de ses chansons : Muddy Waters Sings "Big Bill", l'encourage et le conseille. Grâce à lui, il s'infiltre dans le milieu blues de la ville. Bientôt, il joue avec Eddie Boyd dans des clubs de la banlieue ouest.

 

the Funky Soul story - LP - Muddy Waters Sings "Big Bill" / 1960 (Hommage à Bil "Big" Broonzy)

 

En 1947, Muddy enregistre trois morceaux pour CBS qui ne seront publiés qu'en 1971, son producteur Lester Melrose ne lui trouvant aucun talent !  Les frères Phil et Leonard Chess, eux, vont lui faire confiance et décident de l'enregistrer lorsque celui-ci se produit dans leur club, le Mocambo. En 1948, il sort ses deux premiers classiques "I Can't Be Satisfied" et "Rollin' Stone" sur Aristocrat qui deviendra deux ans plus tard Chess Records.

 

"I Can't Be Satisfied" lui procure un succès immédiat : "Cela m'a rapproché de Leonard Chess. Il faut dire que le disque se vendait si bien qu'on avait du mal à satisfaire la demande. L'usine qui les fabriquait avait du mal à suivre... Leonard Chess m'a énormément aidé, ne serait-ce qu'en sortant ce premier disque, et puis tous ceux qui ont suivi. Il était, pour moi, le plus crédible dans ce métier. Je n'ai donc pas signé de contrat parce que je me suis toujours senti comme un membre de la famille Chess." racontait Muddy.

 

 

I Can't Be Satisfied

 

 

Rollin' Stone

 


 

Fidèle, il enregistrera pour Chess jusqu'à la fermeture de la firme de Chicago. Marshall Chess, fils de Leonard, notera : "Muddy a été notre premier artiste majeur. C'était le plus grand des bluesmen du delta. Son orchestre constituait le premier ensemble électrique du genre."

 

Chess Records, en plus de Muddy Waters, a également enregistré bon nombre de bluesmen comme Howlin' Wolf, Elmore James, Willie Dixon, Little Walter, Lowell Fulson, Little Milton, John Lee Hooker, Sonny Boy Williamson, Eddie Boyd ainsi que des artistes soul et sourtout les pionniers du rock Chuck Berry et Bo Diddley.

C'est d'ailleurs Muddy Waters qui a découvert Chuck Berry à Saint Louis, contribuant ainsi énormément au succès des disques Chess.

 

Marshall Chess qui a compris le potentiel de Muddy, raconte encore : "Il possédait une présence extraordinaire. On ne pouvait le traiter qu'avec respect. Il fallait voir la sensualité qu'il possédait à cette époque. Les femmes - le blues a toujours eu un public féminin - étaient toutes folles de lui. Elles faisaient d'énormes queues pour aller l'écouter le samedi soir."

 

De son côté, Muddy commentera : "Je possédais une bonne maîtrise de la scène. Ma personnalité plaisait et je savais me présenter tout à fait comme il fallait. Je n'ai jamais étudié un show particulier. J'avais juste le feeling."

 

En 1951, le pianiste Eddie Boyd rejoint l'orchestre de Muddy Waters : "Les gens, racontait le chanteur, m'ont souvent demandé pourquoi Otis jouait aussi bien le blues. C'est simple : il arrivait chez moi avec une bouteille de whisky à la main, s'écroulait devant ma porte, et je lui expliquais exactement ce qu'il aurait à faire avec son piano tandis que je chanterais."

 

En 1953, Muddy possède le meilleur orchestre de blues qui soit puisqu'il est soutenu par le pianiste Otis Spann, le guitariste Jimmy Rogers, le bassiste Big Crawford, le batteur Fred Below et surtout Little Walter à l'harmonica. De toute façon, il n'a jamais employé que des musiciens de grande classe pour l'accompagner, des pointures comme Walter 'Shakey' Horton, James Cotton, Junior Wells ou Buddy Guy ont défilé au sein de son Blues Band.

 

 

1954 est l'une des meilleures années de la carrière de Muddy Waters, celle où il obtient les succès avec "I Just Want To Make Love To You" et "Hoochie Coochie Man", le blues du magicien. Celle où Alan Freed l'engage pour le bal qu'il organise à Newark dans le New-Jersey.

 

I Just Want To Make Love To You

 

Hoochie Coochie Man

 

L'année suivante, il donnera un live dans le mythique Apollo Theatre, tandis que "Mannish Boy" (un titre qui donnera le nom au deuxième groupe de David Bowie en 1965) lui réserve un succès de plus.

 

Mannish Boy

 

Trois ans plus tard, il effectue une fabuleuse tournée en Angleterre avec l'orchestre de Chris Barber. Le public, étonné par son blues amplifié, lui réserve un accueil mitigé. Cependant, cette série de concerts va permettre à toute une génération montante de musiciens de rentrer en contact avec le blues. Aux États-Unis, jusque-là les ventes de ses disques étaient confinées aux régions du delta du Mississippi et de Chicago. Pour aller d'un concert à l'autre, Muddy Waters et son orchestre utilisent deux ou trois voitures plus une camionnette transportant le matériel. Reconnu par le public blanc lors de sa venue au Carnegis Hall de New York en 1959, son apparition au Festival de Newport l'année suivante, dont sera enregistré l'album Muddy Waters At Newport, trouve un retentissement jusqu'en Europe, ce qui le décide définitivement à orienter sa carrière vers le public blanc, si bien qu'en 1968 la revue 'Downbeat' lui décerne l'oscar de la meilleure formation de rock, pop et blues.

 

the Funky Soul story - LP Muddy Waters At Newport (1960)

 

C'est alors que Muddy affirme à propos des artistes blancs qui jouent le blues : "Ils sont capables de jouer de la guitare comme moi, mais certainement pas de chanter comme moi."

 

A la fin de la décennie et au début de la suivante, Muddy Waters enregistre des albums avec des musiciens rock ou orientés vers le rock. Ainsi Electric Mud (1968) dans lequel il utilise la guitare wah-wah et divers effets électriques, et où il reprend "Let's Spend The Night Together" des Rolling Stones, Father And Sons (1969) où il est accompagné par Mike Bloomfield et Paul Butterfield, The London Sessions (1972) avec Rory Gallagher, Stevie Winwood et Georgie Fame.

 

 

Let's Spend The Night Together

 

The Rolling Stones - Let's Spend The Night Together

 

En 1978 il quitte Chess, à la fermeture du label pour signer chez Blues Sky. Ses 33t Hard Again et I'm Ready sont produits par Johnny Winter qui l'idolâtre et avec lequel il donne de fréquents concerts. Et puis on le voit avec The Band dans le film 'The Last Waltz' où il rechante "Mannish Boy". Utilisé pour la pub tv des jeans Levi's, ce morceau connaîtra une nouvelle carrière en 1988, cinq ans après le décès de son créateur.

 

Surnommé 'The Living Legend', Muddy Waters nous a quitté le 30 avril 1983 à l'âge de soixante-huit ans. Il est mort chez lui, à Chicago, victime d'une crise cardiaque.

 

Les Beatles, les Rolling Stones, Bo Diddley, Ray charles, Jimi Hendrix, Jimmy Reed, tout comme les bluesmen Mike Bloomfield, Paul Buterfiel et John Hammond comptent parmi ceux qui l'ont idolâtré à un moment ou à un autre. John Lee Hooker, en apprenant sa disparition, déclara : "C'était quelqu'un que j'adorais et dont je me sentais très proche, l'un des plus grands bluesmen qui ait jamais existé. Il n'est plus des nôtres mais pour moi il est toujours présent et il reste mon idole."

 

B.B. King, de son côté a dit : "Muddy Waters était le plus grand des grands." De son vivant, Big Bill Broonzy avait dit : "Muddy Waters est quelqu'un d'authentique. Ecoutez sa façon de jouer de la guitare, ce n'est pas celle de la ville mais du Mississippi. Il ne joue pas des accords, ne suit pas ce qui est écrit dans les livres. Il joue des notes blues qui correspondent précisément à ce qu'il ressent."

 

 

source : Encyclopédie de la Black Music (édition Michel Lafon, 1994)

 


Radioshow


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