MAZE feat. FRANKIE BEVERLY

6 décembre 1946

Discographie I Radioshow

Tout en inscrivant sa démarche dans le cours du Funk, la famille musicale de Frankie Beverly doit au flegme naturel de son leader d’avoir évité tout recours à la turbulence habituelle du genre pour proposer une musique dont le dynamisme n’est jamais synonyme d’agressivité, accentuant l’étroitesse de ses liens de parenté avec la soul.

Mais la spécificité de cette formation originaire de Philadelphie ne s’arrête pas là ; son succès marque la fin d’une époque, celle de la cohésion, et de l’autonomie des groupes de R&B avant la prise de pouvoir définitive des producteurs sous la dictature des départements marketing des majors.

L’harmonie recherché par Maze en faisant de chacun de ses écueils une entité cohérente n’a pas toujours contribué à sa visibilité, l’absence notable de plages « vendeuses » susceptibles d’intéresser les programmateurs radio ayant longtemps freiné son ascension dans les charts.

Cette avancée à contre-courant des règles habituelles du métier n’a pas empêché Frankie Berverly et ses musiciens de fédérer autour d’eux un noyau dur de fidèles qui consacraient presque systématiquement leurs albums par des disques d’or – huit des dix créations de l’orchestre ayant dépassé la barre du demi-million d’acheteurs entre 1977 et 1993. Cette réputation est d’autant plus notable que la formation a dû compter exclusivement sur le public de l’Amérique noire à l’exclusion du marché Pop, preuve supplémentaire de son ancrage dans la culture afro-américaine.

Comme beaucoup d’adolescents de Philadelphie, Howard Beverly, né le 6 décembre 1946, s’est intéressé très jeune à la scène musicale locale en commençant par trouver sa place dans un ensemble de doo-wop, les Blenders, avec lesquels s’exprime un répertoire proche de celui de son idole Frankie Lymon à qui il emprunte son prénom. Après une tournée comme musiciens des Silhouettes, Beverly crée les Butlers, en 1963, un quintette vocal inspiré des Temptations qui traverse la décennie en alimentant sa réputation avec des hits locaux comme "She tried to kiss me", "The sun message". L’apparition d’un R&B alternatif, dont Sly and the Family Stone sont les premiers pourvoyeurs à la fin des année 60, se charge de modifier le regard musical de Beverly qui donne naissance à un ensemble baptisé Raw Soul, dont le single "Open Up Your Heart" sur El Dorado traduit mal l’originalité.

Au même moment, Kenny Gamble et Leon Huff sont en train de mettre au point ce que la profession ne tarde pas à appeler le son de Philadelphie. La volonté crossover et commerciale de cette nouvelle école n’échappe pas aux membres de Raw Soul qui décide en mai 1971 de s’expatrier à San Francisco, patrie de ces collectifs musicaux comme Sly and the Family Stone ou Santana dont Beverly voudrait émuler la liberté créative. L’accueil de la scène californienne pour ces transfuges de la côte atlantique est d’autant moins enthousiaste que la concurrence est déjà forte entre les orchestres de Funk locaux, ce qui incite une partie des membres de Raw Soul à reprendre le chemin de la Pennsylvanie au bout de quelques mois après deux 45 tours, "Color Blind" et "Understanding". La fidélité du claviériste Sam Porter et des percussionnistes Bug Williams et Roame Lowry au rêve de Beverly va finir par payer lorsque Marvin Gaye, alerté par la sœur de sa compagne Janis, prend sous sa protection ce jeune créateur chez qui il discerne, à 10 ans d’intervalle, l’intégrité créative qui caractérisait ses propres débuts. Marvin ne se contente pas d’aider Beverly et les siens à payer leur loyer en ces temps de vaches maigres ni même de leur conseiller de changer de nom de scène ; grâce à ses contacts dans le métier il intéresse Larkin Arnold, responsable du développement du R&B chez Capitol, à cette formation désormais appelée Maze ("labyrinthe" en anglais), symbole de la complexité de ses ambitions musicales.

Le recrutement de plusieurs musiciens californiens, parmi lesquels le bassiste Robien Duhe et le guitariste Wayne Thomas, permet la mise au point d’un répertoire de scène spectaculaire et particulièrement bien réglé dont on perçoit toute la richesse sur disque à la sortie de Maze featuring Frankie Beverly au début de 1977. Avec ce premier album, le groupe de Beverly réunit autour de ses textes militants, de ses balades subtiles et de son funk brillant, parfois évocateur de celui d’Earth, Wind and Fire, un public fidèle dont la constance assure la rentabilité d’une carrière discographique marquée par l’absence de 45-t porteurs ; avec seulement 2 titres ("While I’m Alone" et "Lady Of Magic") cantonnée dans le Top 20 Soul, Maze featuring Frankie Beverly devient disque d’or en l’espace de quelques mois. Et même si "Workin’ Together" se hisse à la 9ème place des charts noirs à la sortie de Golden Time of Day, en 1978, la formule se répète avec ce 2ème recueil, comme avec les LPs suivants : Inspiration en 1979 ("Feel That Your Feelin’"), Joy and Pain en 1989 ("Southern Girl"), Live in New Orleans en 1981 ("Running Away"), une saison propice à la scène puisque Maze se produit pour la première fois en Angleterre où il possède depuis ses débuts un auditoire solide.

While I'm Alone

Lady Of Magic

Workin' Together

Feel That Your Feelin'

Southern Girl

Running Away

L’incompatibilité entre le potentiel commercial des chansons du groupe et la réussite de ses albums, trouve sa meilleure illustration avec We Are One en 1983. Pour la première fois dans la carrière du groupe, ce recueil reste en deçà des 500 000 exemplaires vendus alors même que 4 de ces plages passent à la radio, dont "Love Is The Key", plus grand succès de la formation depuis ses début avec une 5ème place dans les classements Black. Le disque suivant va bouleverser cette logique en mettant enfin d’accord les acheteurs d’albums et les amateurs de singles : avec "Back in Stride" deux semaines de suite à la place d’honneur des hit-parades afro-américains au printemps 1985, "Can’t Stop The Love" est également l’une des meilleure vente de l’année dans la communauté noire que Maze sillonne inlassablement, faisant découvrir en première partie de ses spectacles des artistes encore mal connues comme Anita Beker et Regina Belle.

Love Is The Key

Back In Strike

Can't Stop The Love

En couronnant une décennie d’efforts émaillée par plusieurs centaines de concerts, ce best-seller marque un tournant pour Maze qui décide du recul à la fin de 1986, peu après la publication de The Live in Los Angeles – un double recueil dont la dernière face, clin d’œil au Live at The London Palladium de Marvin Gaye 9 ans plus tôt, contient des plages de studio et non des enregistrements en public. Frankie Beverly va mettre à profit les presque trois années qui suivent pour se reposer et se ressourcer. Pour le retour en studio d’une formation remodelée en 1989, il a choisi de changer de partenaire discographique en quittant Capitol pour Warner sous la bannière duquel voit le jour l’album Silky Soul, 7ème disque d’or de Maze avec pas moins de 3 best-sellers : "Can’t Get Over You", 2ème numéro Un Black de la formation suivi de "Silky Soul" et de "Love’s On The Run".

Can't Get Over You

Silky Soul

Love's On The Run

La publication simultanée d’une compilation de ses faces Capitol, remixé et mise au goût du jour avec l’inclusion de rap est considérée comme trahison par Beverly qui prend d’autant plus de temps pour peaufiner ses enregistrements Warner suivants, publiés sous le titre Back To Basics en 1993.

Si le cap du demi-million d’acheteurs est atteint cette fois encore, l’absence du single phare semble indiquer qu’une page se tourne pour ce groupe qui poursuit imperturbablement sa carrière atypique en tournée, en attendant la sortie longtemps promise d’un 3ème album Warner.

> MAZE <

source : Encyclopédie du Rhythm & Blues et de la Soul (éditions Fayard, 2002)