HOWLIN' WOLF

R.I.P.  10 juin 1910 / 10 janvier 1976



Howlin' Wolf, qui était animateur radio avant de devenir un chanteur connu, a souvent répété : "Nos ancêtres noirs ont créé le jazz et le blues en tapant du pied dans la boue du Mississippi, alors qu'ils étaient esclaves. Je n'ai jamais joué que le blues. Je suis conscient que rien d'autre ne peut me rapporter de l'argent. C'est la raison pour laquelle rien d'autre ne m'intéresse. On ne connait le blues que si l'on a des moments difficiles. Les jeunes d'aujourd'hui ne peuvent avoir notre feeling, leur jeunesse étant beaucoup plus facile."


the Funky Soul story - Howlin' Wolf 01

 

Ecorché vif, avec des racines dans le blues original du Mississippi, Howlin' Wolf est un imposant personnage de haute stature. Homme de scène excitant, il est égocentrique, énigmatique, imprévisible et presque effrayant. Maltraité dans sa jeunesse par les Blancs, il en devient raciste. N'acceptant aucun compromis, il refusera longtemps d'adresser la parole à un blanc, quelles que soient les circonstances. On a dit de lui qu'il était intellectuellement très limité. Willie Dixon l'admet : "Tandis qu'on pouvait donner n'importe quel texte de chanson à Muddy Waters à apprendre très rapidement, il ne fallait pas donner des paroles trop compliquées à Howlin' Wolf sinon il se trompait et souvent n'en comprenait pas le sens."

 

Howlin' Wolf a toujours été un homme soupçonneux ne faisant confiance à personne, que ce soit aux politiciens, aux femmes, aux Européens ou à sa maison de disques. Personnage souvent en contradiction avec lui-même, il disait : "Je préfère rester jouer à Chicago. Lorsque je me rends en Europe, je dépense tout mon argent en hôtels et en restaurants. Là-bas, les gens ne vivent pas comme nous et je n'aime pas leur manière d'être. Il n'y a pas de meilleur pays que les États-Unis. Chez nous, on peut faire ce que l'on veut. C'est le pays de la libre entreprise. J'ai passé la majeure partie de ma vie chez Chess Records. Ils ont profité de moi mais je ne leur en veux pas. Ça ne m'a jamais inquiété. Je prends la vie comme elle vient."

 

De son véritable nom Chester Burnett, Howlin' Wolf s'est également produit sous les pseudonymes de 'Bull Cow' et de 'Big Foot'. "J'avais de grands pieds, raconte-t-il, si bien qu'à un moment on m'a surnommé Big Foot Chester. Mais j'ai préféré le loup (wolf) parce que mon grand-père me racontait des histoires de loups et cela me faisait énormément peur quand j'étais petit."

 

 

Né le 10 juin 1910 à West Point, près de Tupelo dans le Mississippi, il est l'un des six enfants de Dock et Gertrude Burnett. Très tôt, il idolâtre Jimmie Rodgers, le père du country and western. N'ayant pas les capacités pour chanter ce yodel blanc, il décide de grogner tel un loup hurlant : d'où son pseudonyme de Howlin' Wolf, d'autant qu'il possède un timbre guttural au pouvoir suggestif, une voix aux effets déclamatoires.

 

Cette voix riche devient très reconnaissable et donnera à son blues sauvage une teinte difficilement imitable. Véritable artiste dans tous les sens du terme, il se met à la guitare : "J'ai perdu mon père en 1948, avait-il confié. C'était un type d'une rare gentillesse. Dommage qu'il n'ait pu assister à mon succès, surtout que c'est lui qui m'avait acheté ma première guitare. Je me souviens de la date comme si c'était hier : le 15 janvier 1928."

 

Chester, très jeune se met à travailler dans une ferme à la cueillette du coton puis il s'établit dans les années 30, avec sa famille, dans l'Arkansas. Il apprend l'harmonica avec Rice Miller alias Sonny Boy Williams.

 

"Sonny, racontait-il, avait épousé ma demi-sœur Mary. Ils ne sont pas restés longtemps ensemble. Et moi, je n'arrêtais pas de l'embêter pour qu'il me montre comment il jouait."

 

On le retrouve ensuite à Memphis où il officie pour la station KWEM comme Dj ; puis il forme un orchestre avec les harmonicistes James Cotton et Little Junior Parker. Ike Turner le découvre dans un club en 1948, le fait signer pour Modern Records et c'est à Memphis qu'il enregistre, entre autres, "Moanin' At Midnight".

 

Moanin' At Midnight

 

Howlin' Wolf se rappelle : " C'est là que je me suis fait connaître. Chez moi, les gens n'avaient pas tellement le sou : alors qu'à Memphis j'ai vraiment commencé à gagner ma vie. Un jour, Ike m'a emmené voir Sam Phillips qui avait le studio Sun. Grâce à lui, j'ai pu enregistrer mes premiers disques. Je me suis vraiment demandé ce qui m'arrivait : j'étais tout juste un petit campagnard heureux de poser sa musique sur de la cire."

 

Dès lors il se façonne un style auquel il restera fidèle jusqu'à sa mort. Pour la légende, Leonard Chess qui, en 1952 lui propose de monter à Chicago, racontera qu'il l'avait rencontré dans l'Arkansas lors d'une de ses promenades de collectage de blues dans les champs de haricots ou de coton.

A Chicago, c'est quelqu'un dont il deviendra le grand rival qui l'aide à trouver ses premiers engagements : "J'ai contacté Muddy Waters, avouait-il, parce que je ne connaissais personne dans l'Illinois. Il m'a fait faire le tour des clubs, ce qui m'a aidé à trouver du travail. Le plus drôle, c'est que Muddy, lui, a très peu joué dans l'ouest de Memphis parce que je venais de cette région."

 

the Funky Soul story - Howlin' Wolf & Muddy Waters

 

A partir de là, Howlin' Wolf se produit régulièrement et tout particulièrement dans les boîtes de Chicago. Memphis Slim racontera au début des sixties : "Howlin' Wolf n'a pas d'orchestre attitré. Quand il a des concerts, il débarque avec son camion à Chicago en quête de musiciens pour l'accompagner."

 

En revanche, sur disques, Howlin' Wolf utilise les services de Willie Dixon à la basse, d'Otis Spann au piano, de Fred Below à la batterie et trouve en Hubert Sumlin l'un des meilleurs guitaristes de blues électrique qui soient.

 

 

Pendant une douzaine d'années, jusqu'à Killing Floor en 1964, il enregistre classique sur classique, citons pour mémoire : "How Many More Years", "No Pleace To Go", "Evil", "Smokestack Lightnin'", "Sittin' On The Top Of The World", "I Ain't Superstitious", "Down In The Bottow" et "Three Hundred Pounds Of Joy".

 

How Many More Years

 

No Pleace To Go

 

Evil

 

Smokestack Lightnin'

 

Sittin' On The Top Of The World

 

I Ain't Superstitious

 

Down In The Bottow

 

Three Hundred Pounds Of Joy

 

Killing Floor

 

Encore inconnu, Mick Jagger, se mettant à rechercher tous les disques de Howlin' Wolf trouve "Little Red Rooster" qui donne en décembre 1964 un n°1 aux Rolling Stones.

 

Howlin' Wolf - Red Rooster

 

The Rolling Stones - Little Red Rooster

 

Cette année-là, Howlin' Wolf se produit pour sa part à Varsovie dans le cadre de l'international Jazz Jamboree. Aux États-Unis, au milieu de cette décennie, on le voit un peu partout : à l'émission télévisée 'Shindig', au Festival Folk de Newport, au club new-yorkais 'Café A Gogo', aux 'Big John's' et 'Mother Earth' de Chicago. Tandis que les Stones rêvaient, à leurs débuts, de sonner comme lui, les Doors - eux - vont enregistrer son "Back Door Man" dans lequel il raconte : "Je suis l'homme de la porte de service. Les hommes ne le voient pas mais les petites filles le savent."

 

Howlin' Wolf - Back Door Man

 

The Doors - Back Door Man

 

C'est un portrait complaisant mais teinté d'humour, peint par un artiste qui se veut et sait irrésistible et qui pense que chaque femme doit l'adorer. "Killing Floor" et "Sittin' On Top Of The World" seront repris respectivement par Electric Flag et Grateful Dead. Outre ceux-ci et les Stones, les Yardbirds, Creams, Ten Years After, Rod Stewart, Manfred Mann et Little Feat sont quelques-uns des artistes qui ont emprunté à son répertoire. Sans compter John Fogerty du Creedence Clearwater Revival qui lui a toujours voué une admiration sans bornes.

 

L'anglais Dave Kelly l'a accompagné lors d'une série de concerts dans son pays au cours de laquelle le bluesman l'a énormément impressionné : "J'ai passé quelques-uns des meilleurs moments de ma vie à jouer une quinzaine de jours avec lui. J'adore Muddy Waters, Elmore James, Buddy Guy mais le Wolf représente à mon sens plus que nul autre le blues de Chicago. Howlin' Wolf était un gaillard grand et  gentil, ce qui ne nous a pas empêchés d'avoir des disputes. Il criait mais ne m'a jamais frappé parce que j'étais blanc. A Chicago, il aurait peut-être frappé un musicien noir mais jamais un blanc !"

 

A la demande des Rolling Stones, Howlin' Wolf vient enregistrer l'album The London Sessions, à Londres en mai 1970. En plus des Stones : Bill Wyman et Charlie Watts, il bénéficie de l'accompagnement d'Eric Clapton, de Steve Winwood et de Ringo Starr.

 

LP - The London Howlin' Wolf Sessions / 1970

 

Mais c'est dans le ghetto du sud de Chicago que Howlin' Wolf termine sa vie. Il y donne l'un de ses derniers concerts à la mi-novembre 1975, il décède d'un cancer le 10 janvier 1976.


 

source : Encyclopédie de la Black Music (éditions Michel Lafon - 1994)

 


Documentaire

The Howlin' Wolf Story (english)